Derrière la hausse continue des cotisations santé, un facteur discret mais déterminant gagne en importance : la fraude sur les régimes collectifs. Longtemps sous-estimée, elle pèse désormais sur les équilibres financiers, dégrade le ratio sinistres/primes (S/P) et influence directement les revalorisations tarifaires imposées aux entreprises.
Selon les différentes autorités de contrôle, la fraude santé pourrait représenter entre 2,6 et 3,7 milliards d’euros par an en France, en cumulant régime obligatoire et complémentaires. Un enjeu majeur, souvent invisible, mais bien réel.
Un phénomène plus répandu qu’on ne le pense
La Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a détecté 628 M€ de fraudes en 2024, en hausse de 35 % par rapport à 2023. Ces chiffres ne concernent que le régime obligatoire.
Du côté des complémentaires santé, l’Agence de Lutte contre la Fraude à l’Assurance (ALFA) estime que la fraude représenterait 5 à 7 % des prestations versées, soit 1 à 1,5 Md€ par an rien que sur les contrats collectifs.

Pour les entreprises, l’impact est indirect mais systématique : plus de fraude = plus de sinistres = hausse mécanique des cotisations.
Les différentes formes de fraude santé dans les contrats collectifs
La fraude en santé n’est pas spectaculaire : elle est diffuse, cumulative et difficile à détecter, surtout en entreprise. Voici les formes les plus fréquentes :
1. Ayants droit fictifs
- ex-conjoints laissés actifs,
- enfants majeurs non étudiants,
- adultes non à charge mais maintenus comme bénéficiaires.
2. Multi-affiliations
Salariés couverts par plusieurs contrats collectifs ou individuels, générant des remboursements non légitimes.
3. Portabilité prolongée abusivement
Salarié ayant quitté l’entreprise mais maintenant volontairement ses droits au-delà de la durée autorisée.
4. Fraudes documentaires
- faux certificats de scolarité,
- attestations de PACS ou de vie commune falsifiées.
5. Fausses factures et surfacturations
- optique,
- dentaire,
- audioprothèse.
Selon l’ALFA, 27 % des alertes concernent le dentaire, 27 % l’optique, 25 % l’audition, 15 % l’hospitalisation et 6 % les médecines douces.

Chaque cas isolé semble mineur. Ensemble, ils dégradent un contrat de plusieurs points de S/P.
Fraude prévoyance : un risque croissant et largement sous-estimé
La fraude ne touche pas que la santé. En prévoyance, 99 % des alertes concernent les contrats entreprise.
Typologies les plus fréquentes :
- faux documents : 40 %
- sociétés fictives : 33 %
- fraudes sur arrêts de travail : 20 %
- décès déclarés à l’étranger dans des conditions douteuses : 7 %

Les arrêts de travail frauduleux sont particulièrement sensibles : ils impactent directement les indemnités journalières complémentaires et donc les coûts supportés par les régimes collectifs.
Les bons réflexes pour les directions RH et financières
Limiter la fraude commence par des processus administratifs robustes : contrôle des ayants droit, suivi des justificatifs, gestion stricte des entrées/sorties et de la portabilité. Chaque écart augmente le risque pour l’entreprise et pèse sur le S/P.
Former et sensibiliser les équipes RH et paie : comprendre qu’une erreur isolée peut provoquer un surcoût mutualisé sur l’ensemble du contrat.
Avec un coût global estimé à près de 3 Md€ par an, la fraude santé est devenue un enjeu stratégique. La prévention est non seulement un moyen de protéger les budgets des entreprises, mais aussi un acte de responsabilité collective pour préserver la soutenabilité du système.



